Sunday, March 12, 2006

Brokeback Mountain : la musique de Gustavo Santaolalla, comme une fêlure

Brokebackers

photo © Copyright BSLB



Est-il bien nécessaire d’insister sur le fait que le succès d’un film est dû pour une grande partie à la qualité de sa bande originale ? La musique, qui parfois n’a que des vertus de soulignement ou d’accompagnement, et qui quand elle est excellente fait bien plus qu’accompagner pour exister à part entière, est un vecteur essentiel de communication et de communion avec le public. Sa capacité à communiquer directement à l’âme humaine est source d’adhésion et de fusion.
Dans le cas de Brokeback Mountain, le caractère sentimental et dramatique de l’histoire ainsi contée, méritait une attention musicale toute particulière : se placer dans le contexte local et historique (musiques traditionnelles ou régionales, au besoin « revisitées », ou interprétations « acoustiques ») est un merveilleux choix car il enveloppe les personnages et le contexte dans lequel ils évoluent. Le thème musical du film a ce pouvoir, mais comme un écho, et va beaucoup plus loin : il devient langage, il vient apporter une couleur et une parole là où aucune parole ne peut être prononcée, là où un certain silence est de mise, là où dans un silence global seule cette musique peut être supportée, tolérée, seule cette musique peut prendre possession de l’espace et de la pensée.
La musique trouve là sa mission pure et sacrée : dire, soupirer les sensations justes, atteindre en notre intimité le lieu secret et privilégié où la vérité du sentiment peut naître et s’épanouir, c'est-à-dire émouvoir.
En musique, l’émotion est souvent écrasée, opprimée, laissée pour compte, aussi bien dans la musique dite sérieuse, que dans les musiques du monde et les variétés. Il faut insister sur le fait que Gustavo Santaolalla y parvient à l’aide de … quelques notes seulement, si l’on étudie bien son thème musical. Quelques notes pour autant d’impact émotionnel. Car il ne s’agit nullement d’une partition complexe. Ce compositeur a puisé dans son patrimoine musical pour y trouver les quelques notes justes, insignifiantes et suffisantes, quelques accords, sur une guitare. Cette musique est aussi nue que le sont les deux êtres qui sont envahis par cet élan d’amour irrépressible. Dans sa nudité, elle synthétise à elle seule le tout. La beauté n’a donc besoin que de peu de choses…
Mais d’où naît cette émotion, quasi soudaine, à son écoute ? D’où vient cet épanchement ?
D’un subtil déséquilibre, de l’approche d’un vide, du danger de ce vide, d’une suspension, d’un délicat envol, d’un jeu avec le temps. De la contrariété dans un accord, dans une succession de notes, d’une dissonance, d’une fêlure. De cet espace ainsi créé, de cette suspension de notre âme dans ce vide momentané, jaillit l’émotion pure.
Il ne s’agit pas d’une recette, il s’agit d’une création qui nécessite le complet accord de soi avec cette intention : Gustavo Santaolalla y parvient admirablement, dans sa sobriété, sa clairvoyance, sa sensibilité. Bravo. Et merci de ce cadeau.
Vite, réécoutons le CD !


© Copyright 2006 Bruno-Stéphane


Et pour les "nostalgiques", deux liens encore actifs, grâce à You Tube :http://www.youtube.com/watch?v=sYUq6wNBT6s
Clip de la chanson du film interprétée par Willie Nelson
« Cowboys are Frequently Secretly (Fond of Each other) »http://www.youtube.com/watch?v=htPtgR76l3o
Clip de la chanson de John Waite, « Missing You ».

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