Plusieurs scènes fondatrices, où se noue le drame, émaillent « Le secret de Brokeback Mountain ».
D’une forte puissance psychologique, elles retentissent sur l’ensemble de l’histoire et du film.
« Le père, ou l’insémination du mal »
Le père d’Ennis emmène délibérément ses enfants voir le cadavre d’un cow-boy : ce dernier a été massacré et traîné par la verge jusqu’à l’arrachement par les cow-boys du coin, au motif de sa différence, à savoir avoir formé une alliance avec un autre cow-boy dans la gestion d’un ranch : il n’est pas nécessaire d’être plus explicite… D’ailleurs, le père ne l’est pas ; la vision qu’il impose et le sous-entendu sont bien plus mortifères que toute explication.
Un adulte supporterait difficilement la vision et la prise de conscience d’une telle abomination, où négation, mépris, humiliation, violence et barbarie cohabitent, alors un enfant…
La figure du père vient par cet acte terrible graver pour toujours dans la conscience de son fils la signification de ce meurtre : révéler la différence de son mode de vie conduit à la mise à mort par ses semblables.
Ennis ne se relèvera pas de cette insémination. Personne ne se relèverait.
Lorsque son inclination viendra à sa conscience, lorsque sa vérité apparaîtra, lorsque l’amour l’emportera, il se niera, dans la terreur de la perspective que son père lui a insufflée. Sa première victoire consistera à surmonter une part de ses peurs pour vivre en secret, caché, l’aventure incontournable avec Jack. Sa deuxième victoire, trop tardive, consistera à préférer une vie retranchée du monde, recluse, afin d’entretenir pour toujours la mémoire de son compagnon d’âme.
© Copyright 2006
B.S.
No comments:
Post a Comment